Aujourd’hui, de plus en plus de conférences traitent du sujet de l’inclusion et de la place des femmes dans l'IT.
J'ai tendance à penser, que si l'on en parle encore et de plus en plus, c'est qu'il y a justement toujours un problème …
Sur le sujet des femmes dans l'IT, on nous parle souvent des pionnières avec de belles photos surannées en noir et blanc. Par contre, peu de personnes peuvent citer leurs contemporaines créatrices, fondatrices ou à des postes très élevés dans la Tech.
Voici dans le désordre quelques noms :
Des femmes, il n'y en a pas beaucoup certes, mais quelles femmes !
Est-ce par manque d'intérêt, est-ce par déni ? Je voudrais raconter mon expérience banalement ordinaire et parler du discours de plus en plus répandu : « Le monde de la Tech est bienveillant ».
Mon histoire avec l'informatique commence fin des années 90, un peu par hasard. Je commence des cours d'algorithmie à la fac et des TP en Turbo Pascal. Nous avions un PC pour 5, dans ma filière, nous n'étions pas beaucoup de femmes. Comme moi, peu d'entre elles avaient eu une expérience de près ou de loin avec un ordinateur. Mes binômes, essentiellement masculins, se battaient pour récupérer la souris et un bout de clavier. Autant dire que j'ai préféré écrire mes algorithmes sur un bout de papier et essayer de les faire marcher avec mes méninges.
Messieurs et si on laissait un peu de place à tous les membres de l'équipe ?
Je parle de cette expérience qui date, mais ne vous y trompez pas : ces mentalités, clichés ou autres sexismes ordinaires perdurent encore aujourd'hui …
Abandonnant la physique pour l'informatique, j’entre dans une école avec prépa intégrée et là le ratio homme-femme se creuse encore plus.
Nous étions 3 femmes pour 300 élèves; une bonne préparation pour la suite de ma carrière !
Lors de mes cours d’algorithmie, ma manière de programmer sur papier a fait l’admiration de mes camarades (bien que nous ayons tous une machine à disposition). J’avais un retard certain sur les autres sujets informatiques mais cela m’a motivée davantage.
Malheureusement, j'ai aussi dû faire face à toutes sortes de réactions : paternalisme, misogynie, jalousie, etc. Certains prédisaient que je ne tiendrai pas un an ou que je n’atteindrai pas la fin du cursus. Ces paroles venaient autant de certains de mes professeurs que de mes camarades de promotion.
Il est important d’indiquer qu'il n'y a jamais rien eu de grave ou d'inapproprié, mais comment avancer dans mon cursus, sereinement, après de telles réactions. Et est-ce si grave ?
Grâce à mon caractère, je n’ai jamais lâché quoi que ce soit. J’ai sans cesse essayé d’expliquer ou d’éduquer les autres sur ce qui pouvait être blessant ou non. Pour certains, c'était perdu d'avance, d’autres se sont confondus en excuses.
Pendant ces années d’études, leur regard a changé: j’étais devenu une personne asexuée et non plus l’une des femmes de la promo : ils m’avaient finalement adoptée.
Je finis finalement parmi les meilleurs de ma promotion avec les félicitations du jury. D’ailleurs, nous avons toutes eu notre diplôme, une seule a fait le choix de quitter la filière informatique.
J’ai commencé mon expérience professionnelle dans une SSII à taille humaine. Il est clair que la parité n'était pas du tout au rendez-vous : nous étions seulement 2 femmes développeuses pour une équipe de 50 personnes. J'ai dû faire face à des situations troublantes, d’une part avec une hiérarchie « bienveillante » qui souhaitait m'orienter vers de la gestion de projet, d’autre part du management qui souhaitait que j’effectue la formation des nouveaux car « c'est plus naturel pour une femme ».
Mes choix ont été tout autres et j'ai mis un peu plus de temps à construire ma carrière.
J'ai suivi mon chemin, allant de plus en plus vers des milieux de « barbus » comme ils aiment s'appeler. Entre deux blagues parfois désobligeantes, j'ai été amenée à devoir prouver beaucoup plus que mes homologues masculins.
J’ai voulu, à travers mon témoignage, parler du sexisme banalement ordinaire, de la place des femmes dans l'IT et dans la société au sens large. Mon témoignage est loin d'être isolé malheureusement, que ce soit pendant leurs études ou en entreprise, beaucoup de femmes ont eu des expériences similaires.
Il faut s'inquiéter du nombre de femmes qui abandonnent les filières scientifiques, des causes de la non-mixité de certains réseaux de femmes.
Oui, c'est bien d'éduquer les filles, de leur faire gagner en assurance, de les encourager vers des études scientifiques, de les sensibiliser au numérique, mais surtout, il faut éduquer les garçons : laisser de la place aux femmes, enseigner le respect, appréhender les différences, etc.
Ces questions sont troublantes :
Il est aussi important d’être vigilant sur les comportements en entreprise, ceux du quotidien, ceux plus latents plus ancrés qui peuvent décourager les femmes à rester et à évoluer en entreprise. Il faut avant tout rendre le milieu du travail réellement bienveillant et accueillant. Il ne suffit pas de pratiquer l'inclusion dans le texte, mais de se poser réellement les bonnes questions et de prendre les actions nécessaires pour remédier au problème.
La mixité est essentielle et rien n'est jamais acquis.
Je reste, malgré tout, optimiste. Je n’oublie pas, tout au long de mon parcours, toutes les personnes sensibles et intransigeantes face à ce problème. J'ai l'impression que la situation s'améliore au fil du temps et j'ai bon espoir que les mentalités continuent de changer.