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État de la souveraineté numérique française en 2022

État de la souveraineté numérique française en 2022

Sommaire

La souveraineté

Le 14 juillet, jour de la fête de la République française, est l’occasion parfaite pour parler la souveraineté numérique française !

 

Qu’est-ce que c’est ?

Le rapport sénatorial de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique de 2019 définit la souveraineté numérique comme la capacité de l’État à agir dans le cyberespace. La souveraineté (de la nation) se caractérise par l’indépendance de l’État en tant que nation par rapport à d'autres États ou à des instances internationales. Quand on parle de souveraineté, on fait donc référence au pouvoir de l'État et à sa capacité d’indépendance, donc sa capacité à ne pas être soumis à une autre entité (en général étatique). Ce terme est apparu vers le début des années 2000, mais a connu un véritable essor ces dernières années.

 

Contexte et Enjeux

Le rapport sénatorial de 2019 contient bien plus que la définition ci-dessus. En effet, il apporte une analyse éclairée et détaillée du contexte actuel (en 2019).

De ce rapport en étaient ressortis 3 conclusions :

  1. Aujourd’hui, il faut défendre notre modèle de société et nos valeurs : l’Humain n’est pas une somme de données à exploiter;
  2. Le cyberespace, loin de l’utopie égalitaire de ses débuts, est devenu un lieu d’affrontement mondial, où s’exercent luttes d’influence, conflits d’intérêts et logiques sociales et économiques antagonistes;
  3. La révolution numérique et la maîtrise des données ont fait émerger des acteurs économiques capables de rivaliser avec les États.

Le rapport formule aussi 5 recommandations principales :

  1. Définir une stratégie nationale numérique au sein d’un Forum institutionnel temporaire du numérique;
  2. Inscrire l’effort pour la souveraineté numérique dans le temps en votant une loi d’orientation et de suivi de la souveraineté numérique;
  3. Protéger les données personnelles et les données économiques stratégiques;
  4. Adapter la réglementation aux défis numériques;
  5. Utiliser les leviers de l’innovation et du multilatéralisme.

La souveraineté est directement liée à une notion de rapport de force, mais avec qui faisons-nous un bras de fer exactement ?

 

Les forces en présence

Le rapport met notamment en lumière la politique états-unienne en vigueur vis-à-vis du cyberespace que l’on peut résumer en la recherche d’un leadership incontesté. Il évoque le contrôle matériel très fort qu’exercent les USA, le contrôle de la donnée auprès des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), leur doctrine de la porte ouverte et la relation complexe et poreuse entre le gouvernement américain et les GAFAM, au point de considérer qu’ils forment un complexe techno-étatique.

La révélation par Wikileaks et de Julien Assange de l’espionnage de l'État français par son allié américain fut un événement de plus venant conforter la nécessité de souveraineté française.

Les USA sont identifiés comme un état qui exerce une domination très forte dans le domaine du numérique, au travers des GAFAM qui sont elles-mêmes des entités exerçant leur propre influence sur les USA et le reste du monde via leur position de quasi-monopole dans certains domaines. Le gouvernement états-unien entend combattre cette menace et évoque souvent un possible démantèlement des GAFAM. Plus concrètement, le CLOUD Act permet déjà à l'administration états-unienne de récupérer des données stockées ou transitant à l'étranger, notamment via les opérateurs et fournisseurs de services en ligne états-uniens.

La Chine est l’autre superpuissance qui a un impact non négligeable dans le cyberespace. Connue pour ses hackeurs de talents, sa politique de “mur de fer” numérique ou encore la surveillance à outrance de sa population, elle est aussi l'atelier du monde des composants électroniques, ce qui lui assure une position de force certaine. La Chine, comme les USA, a, elle aussi, une ligue de champions du numérique, les fameux BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), qui montent en puissance. Au travers d’une politique protectionniste très forte, la Chine a su maintenir une certaine souveraineté numérique. Peut-être que les évolutions sociales et économiques du pays la poussent à s’ouvrir de plus en plus. La Chine dispose depuis 2017 d’un système légal, loi sur le renseignement, pour requérir la coopération de tout citoyen chinois et de toute organisation. Une sorte d’équivalent du CLOUD Act états-unien. Enfin, la Chine a même commencé à développer son propre système d’exploitation d’État, pour s’affranchir de l’influence états-unienne.

La Russie a, elle aussi, su démontrer un protectionnisme numérique fort, notamment en 2019 par sa capacité à créer un Internet parallèle qui lui est propre.

La France et l’Europe sont donc une fois de plus pris en étau entre des superpuissances qui s’affrontent pour atteindre la suprématie, mais cette fois-ci le monde à conquérir est le monde immatériel, le cyberespace. Car derrière ce rapport de force, cette conquête de la souveraineté se cache de nombreux enjeux de société, légaux et économiques.

 

Les initiatives

Pour acquérir ses lettres de noblesse dans le numérique, la France, et par extension l’Europe, emprunte plusieurs chemins pour y parvenir. Certaines entreprises françaises et européennes participent activement à cette quête de la souveraineté patriotique/européenne.

 

Les contrats avec les GAFAM

Pour rattraper le retard technologique que nous évoquions dans la partie précédente et proposer des offres Cloud équivalentes aux superpuissances étrangères, certaines entreprises françaises ont trouvé une solution, la collaboration avec des GAFAM pour créer des “Cloud de Confiance”. Il y a 2 associations bien avancées dans ce type de projet : le partenariat ThalesxGoogle qui fait naître le Cloud “S3ns” et celui de Capgemini, Orange et Microsoft dont le projet se nomme “Bleu”.

Pour obtenir le label “cloud de confiance”, il faut répondre à 3 exigences :

  • Être audité par l’ANSSI pour vérifier la conformité aux exigences de sécurité “SecNumCloud”
  • Posséder des infrastructures et des systèmes en Europe
  • Les services opérationnels et commerciaux doivent être assurés par une entité européenne.

Ces projets font déjà débat : des élus français ont saisi la CNIL et l’ANSSI pour s'assurer que ces projets respectent bien les législations françaises et européennes et ne sont pas de la poudre de perlimpinpin pour notre souveraineté. Peut-être que travestir les GAFAM en entreprises françaises, grâce à des partenariats et surestimer la naïveté des Français, n’est pas la voie que doit emprunter la France pour atteindre sa souveraineté.

D’autres sujets font débat, notamment le renouvellement par l’État de contrats avec Microsoft. Le ministère de la Défense signe continuellement des contrats onéreux avec le géant états-unien. Un choix qui va à l’encontre de l’objectif de souveraineté et qui accentue les risques d’espionnage. On peut aussi rappeler le choix originel de l’État d’héberger le projet Health Data Hub sur les serveurs de Microsoft avant de se rétracter l’année dernière pour migrer vers ces fameux clouds labellisés “Cloud de Confiance”.

 

La défense

Il ne faut pas s’y méprendre, les GAFAM ne sont pas inébranlables, des leviers de pression existent. La régulation par le cours de la bourse et les convictions éthiques des salariés sont des éléments à ne pas ignorer. Il est déjà arrivé, notamment chez Google, que des employés obligent leur entreprise à modifier leurs orientations commerciales.

La France, et plus globalement l’Europe, a mis en place un ensemble de lois pour protéger les données personnelles des citoyens européens de l’appétit vorace des GAFAM. On pense évidemment au Privacy Shield et au RGPD. Pour atteindre sa souveraineté, il est possible, voire vital pour la France, de réaliser des actions politiques concrètes, pragmatiques et crédibles. Ces lois font partie du bouclier légal mis en place par l’Europe, elle en a même adapté les sanctions spécifiquement pour les GAFAM. Malheureusement, les amendes paraissent toujours dérisoires vis-à-vis des revenus engrangés par les Goliath américains.

 

Les challengers Français & Européens

Le Cloud est un outil majeur pour que la France puisse remporter sa souveraineté, elle a plusieurs champions, Scaleway, OVH, Outscale, etc. mais pour autant nous assumons un certain retard technologique sur les GAFAM et les BATX, les champions américains et chinois. Il est à noter que les ligues de champions des super puissances étrangères ont été gavées aux aides étatiques pour s’accroître à grande échelle rapidement. Les champions français nécessitent des investissements aussi colossaux pour espérer combler l’écart.

 

S’unifier autour de l’Europe, le projet Gaia-X

Le projet Gaia-X, fer de lance de la bataille pour la souveraineté européenne, est au cœur de nombreux débats houleux. Scaleway en a même quitté le projet, son CEO désignant le projet comme à la fois gangréné par les GAFAM et n’allant pas dans la bonne direction. Gaia-X se veut de fédérer les acteurs du cloud et des données en Europe, mais ses objectifs et son carnet de route restent encore floues.

 

Le mot de la fin

La souveraineté française, les actions qui ont été prises, qui sont menées et prévues, sont nombreuses. On peut reconnaître qu’aujourd’hui la France n’a pas atteint sa souveraineté numérique et ne dispose toujours pas assez d’éléments pour que ce soit le cas. De nombreuses initiatives ont été entreprises : certaines avec succès, d’autres sans. Pour atteindre sa souveraineté, la France doit investir mais elle semble peiner à identifier les bons chevaux sur lesquels miser. En 2019, le rapport sénatorial de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique avait établi un contexte réaliste et émis plusieurs propositions. Plusieurs projets en ont découlé mais malheureusement 2 ans plus tard, on peine à identifier de véritables avancées sur le sujet. Tant que la France dépendra des GAFAM cet objectif ne pourra pas être atteint.

Le sujet vous intéresse ?
Retrouvez la vision de Yan Lechelle, CEO de Scaleway, sur le Cloud Souverain.
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Sources