Chaque année, Octobre Rose rappelle l’importance du dépistage du cancer du sein, qui reste le cancer le plus fréquent chez les femmes. Mais derrière les campagnes de sensibilisation, une révolution technologique s’opère : l’intelligence artificielle (IA) et le cloud computing transforment profondément la manière dont cette maladie est détectée, suivie et traitée.
J’avais déjà exploré ce sujet dans un article publié en 2023, et comme les choses ont bien évolué depuis, notamment en France, il m’a semblé important de le remettre à jour.
Je vous invite à découvrir cette nouvelle version, enrichie avec les avancées les plus récentes.
Depuis 2023, nous avons vu l’intelligence artificielle passer du statut de technologie prometteuse à celui d’outil réellement utilisé dans plusieurs hôpitaux, y compris en France. Ce n’est plus juste une idée futuriste : l’IA est là, dans les salles de radiologie, aux côtés des médecins.
Prenons Transpara, par exemple. Ce logiciel développé par ScreenPoint Medical est utilisé dans des centres comme Artois Radiologie en France. Il agit comme une seconde paire d’yeux pour les radiologues, capable de repérer des anomalies subtiles dans les mammographies. Une étude menée sur plus de 100 000 femmes a montré une augmentation de 29 % des détections, sans générer plus de faux positifs. En clair, nous détectons plus de cancers, plus tôt, sans affoler inutilement les patientes. [prnewswire.com]
Autre avancée : le modèle Mirai, conçu par le MIT. Ce système peut prédire le risque de cancer du sein jusqu’à cinq ans à l’avance, uniquement à partir des images de mammographie. Pas besoin de données cliniques supplémentaires. Il a été testé dans plusieurs hôpitaux à travers le monde, et les résultats sont bluffants : Mirai identifie les patientes à haut risque avec une précision bien supérieure aux modèles classiques comme Tyrer-Cuzick. [fidal.com]
Et puis il y a Ataraxis AI, une startup qui propose une approche encore différente. Plutôt que de se concentrer sur la détection, Ataraxis cherche à prédire l’évolution du cancer. Leur modèle peut dire si une patiente a besoin d’un traitement plus intensif ou non, avec une précision jusqu’à 30 % supérieure aux tests génétiques traditionnels comme Oncotype DX. En France, cette technologie commence à susciter l’intérêt, notamment dans les essais cliniques menés avec des partenaires européens. [forbes.fr]
Contrairement à ce que nous pourrions penser, la France n’est pas en reste dans l’adoption de l’IA pour le dépistage du cancer du sein. Plusieurs projets ont déjà vu le jour, et certains sont en phase clinique.
À l’Institut Curie, par exemple, les pathologistes utilisent Galen Breast, un outil développé par Ibex Medical Analytics. Ce logiciel analyse les biopsies mammaires et aide à détecter les caractéristiques pathologiques avec une précision impressionnante. Ce n’est pas juste un test en laboratoire : l’outil est déjà utilisé en routine clinique, et les résultats publiés dans NPJ Breast Cancer montrent une amélioration significative de la qualité des diagnostics. [presse.curie.fr]
Autre initiative française : la startup Therapixel, issue de l’Inria Paris-Saclay, qui propose des solutions d’IA pour l’analyse des mammographies. Elle a mené plusieurs études en collaboration avec des centres régionaux de dépistage (CRCDC) dans le Sud PACA et en Auvergne Rhône-Alpes. Les résultats sont clairs : l’IA permet de réduire les délais de lecture, d’améliorer la détection et de soulager les radiologues, dont le nombre est en baisse constante. [therapixel.fr]
Et ce n’est pas tout, des études comme MASAI et ScreenTrustCAD, menées en partie en France, montrent que l’IA peut remplacer une des deux lectures humaines dans le dépistage organisé, tout en maintenant voire en améliorant les taux de détection. Dans certains cas, la triple lecture (deux radiologues + IA) donne les meilleurs résultats. [radiologie.fr]
Enfin, à l’hôpital Tenon (Sorbonne Université), des chercheurs travaillent sur des algorithmes capables d’optimiser la qualité des mammographies : meilleure position, compression adaptée, dose de rayonnement réduite… L’objectif est de rendre l’examen moins douloureux et plus efficace.
Quand nous parlons de lutte contre le cancer du sein, nous pensons rarement aux serveurs, aux infrastructures ou aux protocoles de sécurité. Et pourtant, le cloud et la cybersécurité jouent un rôle clé dans cette transformation silencieuse de la médecine.
Aujourd’hui, les modèles d’IA ne tournent pas sur les ordinateurs des hôpitaux, mais sur des plateformes cloud puissantes comme AWS HealthLake, Azure for Health ou Google Cloud Healthcare API. Ces services permettent :
En France, nous voyons émerger des solutions souveraines comme Bleu (le cloud français co-développé avec Microsoft), NumSpot, ou S3NS by Thales, toutes certifiées SecNumCloud par l’ANSSI. Ces clouds garantissent que les données restent hébergées en France, sous juridiction française, loin des lois extraterritoriales comme le Cloud Act américain. [cyber.gouv.fr]
Et bonne nouvelle : le Health Data Hub, longtemps critiqué pour son hébergement chez Microsoft, est en train de migrer vers une infrastructure souveraine SecNumCloud, avec un appel d’offres lancé en 2025 pour bâtir une nouvelle plateforme. [itforbusiness.fr]
Avec la montée en puissance du numérique, les hôpitaux sont devenus des cibles de choix pour les cyberattaques. En 2024, plusieurs établissements français ont été paralysés pendant des jours à cause de ransomwares. Et selon l’ANSSI, près d’un tiers des fuites de données dans le cloud sont dues à des erreurs de configuration ou des mots de passe trop faibles. [itforbusiness.fr]
Pour répondre à cette menace, la France a lancé le programme CaRE (Cybersécurité Accélération et Résilience des Établissements), qui aide les hôpitaux à :
En France, toute structure qui héberge des données de santé — que ce soit un hôpital, une startup ou un fournisseur cloud — doit être certifiée HDS (Hébergement de Données de Santé). C’est une exigence légale inscrite dans le Code de la santé publique. [blogs.mana...engine.com]
Cette certification garantit que les données médicales sont :
Et au niveau européen, le règlement sur l’Espace Européen des Données de Santé (EEDS) est entré en vigueur en mars 2025. Il prévoit :
En résumé, derrière les images analysées par l’IA, il y a des infrastructures robustes, des protocoles de sécurité exigeants, et une volonté politique forte pour garantir que l’innovation médicale se fasse dans un cadre de confiance.
Ce qui est fascinant avec l’IA et le cloud, c’est qu’ils ne se contentent pas d’améliorer les outils existants : ils changent totalement la manière dont on pense la médecine.
Aujourd’hui, nous pouvons adapter les traitements en fonction du profil génétique de chaque patiente, de ses antécédents, et même de données biologiques complexes (appelées données “multi-omiques”). En clair, nous ne traitons plus “un cancer du sein”, mais le cancer de cette personne-là, avec ses spécificités.
Et grâce au cloud, ces technologies ne sont plus réservées aux grands centres hospitaliers. Elles commencent à arriver dans des zones rurales, voire dans des pays où l’accès aux soins est limité. L'idée est que l’innovation ne soit pas un luxe, mais un outil accessible à tous.
Autre concept qui prend de l’ampleur : les jumeaux numériques. Ce sont des modèles virtuels qui simulent le corps d’une patiente, permettant aux médecins de tester différents traitements avant de les appliquer en vrai. C’est encore en développement, mais cela ouvre des perspectives incroyables pour éviter les effets secondaires inutiles ou les traitements trop lourds.
Si nous regardons un peu plus loin, disons à l’horizon 2030, nous pouvons imaginer :
L’IA et le cloud ne sont pas juste des buzzwords dans le monde de la santé — ce sont des outils concrets qui, petit à petit, changent la donne dans la lutte contre le cancer du sein. Que ce soit pour aider les radiologues à mieux détecter, pour personnaliser les traitements ou pour rendre les soins plus accessibles, ces technologies sont déjà là, et elles progressent vite.
En France aussi, les choses bougent : des hôpitaux, des startups, des chercheurs s’emparent du sujet et font avancer les usages. Ce n’est pas encore parfait, mais on est clairement sur la bonne voie.
Et si nous regardons vers l’avenir, nous pouvons imaginer une médecine plus proactive, plus douce, et surtout plus adaptée à chaque personne. Une médecine qui anticipe au lieu de subir. Une médecine qui soigne mieux, plus tôt, et plus justement.