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Mon IA, c’est… Bob

Rédigé par Pablo Lopez | 14/10/2025

Mais si, vous savez, Bob Razowski, le petit cyclope vert de Monstres & Cie. L’assistant de la star de l’usine, celui qui suit le process à la lettre pour que son champion reste en haut du classement.
Il connaît le règlement par cœur, l’applique sans jamais dévier, et ne veut surtout pas que Boo débarque et vienne tout bouleverser.

Mon IA, c’est Bob : elle applique la recette la plus répandue, et si elle fait preuve de créativité, c’est par accident.

Les raisons profondes

Les LLM excellent dans la force brute : générer du code propre, appliquer des patterns, reformater selon des conventions. Mais par nature, leur créativité est limitée : ils prédisent la suite la plus probable, donc la plus communément admise. En d’autres termes, l’IA tape toujours au centre de la gaussienne.

Se fier aveuglément à un LLM, c’est adopter automatiquement les conventions du plus grand nombre. Le modèle applique la règle sans se demander si elle a encore du sens. Arme à double tranchant : il reproduit à l’infini ce qui existe déjà, y compris des pratiques obsolètes ou des choix de conception discutables.

Cette mécanique entraîne une uniformisation : les approches minoritaires mais parfois meilleures disparaissent, noyées dans la masse. Une architecture émergente, un framework innovant ou un design pattern original ont peu de chances de remonter, car ils sont statistiquement “trop rares”.

Ajoutez à cela les biais de l’entraînement : les LLM sont surtout nourris de projets open source populaires. Résultat : beaucoup de code “grand public”, peu de cas métier complexes ou d’optimisations industrielles. Une IA ne génère pas de nouvelles approches, sauf parfois en combinant des solutions existantes, et encore, par accident.

Si votre problématique est unique ou vos contraintes spécifiques, attendez-vous donc à une solution sous-optimale.

Les conséquences concrètes

Une IA générative produit du code généralement solide, mais plat.
La balance entre conformité et pertinence penchera toujours du côté probabiliste de la “norme”.

Pour le code, elle peut reproduire des patterns obsolètes simplement parce qu’ils sont fréquents dans ses données d’entraînement (ah, ces bons vieux DTOs… ça faisait longtemps qu’on ne les avait pas vus !).
Pour les technologies, elle ne détecte pas les tendances émergentes, puisqu’elles sont encore trop bas dans les courbes d’adoption.
Pour l’architecture, elle propose des découpages très “classiques” là où créativité et technologies récentes permettraient de mieux coller aux besoins métier.

Résultat pour le projet, une innovation bridée.
Et pour un développeur junior, un risque de confusion : croire que la répétition statistique génère une ingénierie de qualité.

Comment atténuer “l’effet Bob”

Face à l’IA, la première étape consiste à sortir du piège de la conformité. Un prompt trop directif enferme le modèle dans son réflexe statistique : il vous servira la recette la plus courue. À l’inverse, un prompt permissif ouvre le jeu : poser des questions ouvertes, demander plusieurs alternatives avec avantages et inconvénients, c’est déjà forcer le LLM à dévier de la trajectoire gaussienne.

Il peut aussi être utile de provoquer volontairement l’IA. En proposant une solution absurde, vous l’obligez à explorer des chemins de traverse et à argumenter contre vous. Cet effet miroir, bien utilisé, transforme la mécanique statistique en un outil de divergence.

Ensuite, rappelez-vous que l’IA n’a aucune mémoire métier ni technologique. Elle ne saura pas qu’un pattern est dépassé, qu’une techno est en perte de vitesse, ou qu’un design particulier ne correspond pas à vos besoins. Seule votre équipe peut confronter la solution proposée à la réalité du terrain, à sa veille, à son expérience.

Traiter l’IA comme un membre de l’équipe à part entière aide aussi à éviter l’illusion : documenter les alternatives qu’il propose, noter pourquoi on en retient une ou on en écarte une autre, transformer chaque sortie en support pédagogique. Il n’y a aucune bonne raison de ne pas documenter les décisions de l’IA à travers vos outils classiques, comme les ADR !

Enfin, gardez en tête une règle simple mais précieuse : l’innovation reste humaine (jusqu’à maintenant). L’IA vous fera gagner du temps sur le connu, mais les raccourcis vers le neuf, l’inattendu, viennent toujours des cerveaux autour de la table. Certes, ce chemin sera plus risqué et moins balisé… mais c’est souvent lui qui mène aux vraies avancées.

Pour finir

Mon IA, c’est Bob : consciencieux, efficace, capable de produire du code impeccable… mais incapable de se demander pourquoi, et encore moins s’il n’existe pas une alternative plus efficace.
Elle ne découvrira jamais seule que le rire peut valoir mieux que la peur.

“On a toujours besoin d’un petit noeunoeuil neuf dans son équipe.”

Références, pour aller plus loin

Source : https://pbs.twimg.com/profile_images/1419406172969390086/UW6tAsqV_400x400.jpg