Mais, plutôt que de suivre aveuglément la vague de la hype Gartner, les questions qui devraient vous préoccuper sont : “Pourquoi adopter une stratégie MultiCloud, alors que j’ai déjà du mal avec un seul ? À quels enjeux cette stratégie peut-elle répondre ? Que vais-je en tirer ?”
Le premier des enjeux couverts par une stratégie MultiCloud, c’est l’accélération. Les Cloud providers se sont lancés dans une guerre acharnée et les catalogues de services sont aujourd’hui fortement différenciés. Rester avec un seul Cloud provider, c’est se couper d’une innovation galopante dans la variété des services, dans leur qualité mais aussi dans leur localisation géographique et réglementaire. Que vous deviez viser une extension vers l’Asie (où les Cloud providers US ont bien du mal à s'implanter) ou au contraire faire bénéficier vos utilisateurs des services d’un Cloud franco-français, il devient de plus en plus difficile de couvrir l’ensemble des besoins de votre SI avec un seul acteur. Voici, en quelques mots, l’état du marché selon nous :
Un autre de vos enjeux critiques est votre attractivité, et la difficulté, pour toutes les entreprises de la Tech, d’attirer et de garder les talents.
Les compétences nécessaires pour construire un SI complet chez un (ou plusieurs) fournisseurs de Cloud sont encore trop peu répandues pour avoir une quelconque assurance en termes de recrutement. Aujourd’hui, la phase des prophètes est passée : les pratiques et compétences en outils d’infrastructure-as-code commencent à se généraliser. Malgré cela, on ne peut pas dire que les gens à l’aise dans la construction d’infrastructures Cloud soient légion. Les aspirants, maîtrisant la syntaxe et l'opérationnel, sont bien plus nombreux que les stratèges et les visionnaires, capables de donner une direction à vos équipes. Avoir une stratégie MultiCloud, même en incubation, sera forcément un plus pour les attirer.
Le coût de votre infrastructure est une mesure qu’il est de plus en plus complexe de prévoir, alors il est nécessaire de la surveiller. Néanmoins, si vous comptez faire des économies sur le TCO de votre infrastructure, partir en MultiCloud n’est pas toujours la bonne option. Par exemple, le coût de transit des données sortantes et entrantes entre deux cloud providers peut rapidement devenir un gouffre financier et risque d’avoir des effets exponentiels sur vos factures si vous multipliez l’hybridation de votre infrastructure.
Toutefois, partir en MultiCloud vous apportera des leviers économiques supplémentaires, toujours bons à prendre pour pouvoir piloter efficacement. Cela vous permet d’avoir un panel plus large de services managés, donc plus de possibilités pour choisir le service managé qui coûte le moins cher. Il est également important de ne pas tomber dans le piège en réprimant la performance vis-à-vis du FinOps.
Si vous êtes séduits par l’approche, laissez nous néanmoins vous mettre en garde : les chausse-trappes sont nombreuses. Nous en citerons ici trois principales.
Commençons par la plus dangereuse à notre sens : la surconsommation. Décider de redonder son infrastructure chez plusieurs fournisseurs en suivant la même logique que la redondance des liens réseaux ou des alimentations électriques impose un coûteux double run.
Nous ne l’analyserons pas ici en détails, mais rappelez-vous simplement que c’est une impasse : c’est un gouffre financier, doublé d’un casse-tête insoluble pour trancher entre stratégies de actif-actif ou actif-passif, avec ou sans synchro de data, et cela multiplié par le nombre d’applications. Fuyez, ce n’est pas réellement une stratégie MultiCloud, tout au mieux une tentative de Plan de Continuité d’Activité.
Le second loup se nomme vendor lock-In. Il nous arrive souvent de rencontrer des cas où le plan de réversibilité est un point crucial dans l’adoption d’une stratégie Cloud. Cependant, il est souvent mal abordé. Rédiger un plan de réversibilité technique trop détaillé pour chaque aspect de votre SI Cloud (compute, réseau, middleware ou socle applicatif) ne vous apportera au final aucune garantie contre le réel prix à payer lorsque vous devrez activer ce plan, quelle qu’en soit la raison (changement de contractualisation, désaccord avec le provider, changement de stratégie business..).
Acceptez d'emblée qu'il y aura une part de lock-in, c’est le mal nécessaire pour bénéficier réellement de la plus-value des services du fournisseur. Néanmoins, voici trois conseils qui peuvent le minimiser et vous éviter des désillusions :
Dernier écueil, mais non des moindres : résumer votre stratégie MultiCloud au seul Kubernetes. Kubernetes est aujourd’hui le standard de facto de l’orchestration de conteneurs. L’outillage populaire associé est open-source et maintenu par une communauté établie, souvent salariée et investie sur le sujet. De plus, la majorité des fournisseurs de Cloud proposent une offre Kubernetes sur étagère. Cependant, développer des packages Kubernetes qui soient réellement portables sans douleur d’une plate-forme à une autre demande une vraie expertise.
Vérifiez avec soin les versions de Kubernetes de chacune des plate-formes cibles, le niveau d’intégration des services transverses (Ingress, StorageClass, Secret, ...). Vous pouvez également mettre en place des tests automatisés pour vous assurer de la déployabilité de vos applications et les intégrer dans votre CI de non-régression.
Si vous êtes convaincus, et que vous souhaitez avancer dans la voie du MultiCloud, voici les objectifs que vous devrez vous fixer :
Adoptez une approche globale très intégrée au paradigme Cloud. Les plus gros gains budgétaires et la meilleure efficacité opérationnelle sont atteints par l’adoption du Cloud Native. Le Cloud Native ne se limite pas aux technologies proposées par les fournisseurs Cloud, loin de là… Vous prendrez mieux la dimension de la lame de fond technologique qui est déjà enclenchée en jetant un œil sur le panorama CNCF. Il y a là de quoi vous aider à résoudre plus d’un souci opérationnel et vous ouvrir de nouvelles voies d’innovation pour votre SI.
En conclusion, même si les défis sont grands et que la tâche paraît ardue, il nous paraît important de faire l’exercice de projeter votre entreprise 3 ans dans le futur : à quoi ressemblera votre SI ? Aurez-vous alors les mêmes besoins techniques ? Trouverez-vous toujours des gens à recruter pour maintenir votre SI ? Comment seront organisées vos équipes ?
Nous gageons que la mutation Cloud Native est en cours et ne risque pas de freiner de sitôt. Nous nous permettrons donc de remixer un proverbe chinois pour conclure :
> Le meilleur moment pour construire sa stratégie MultiCloud était il y a 5 ans.
> Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui.