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Parler de bilan carbone, n’est-ce pas déjà obsolète ?

Parler de bilan carbone, n’est-ce pas déjà obsolète ?

Sommaire

Réaliser un bilan carbone n’est pas une finalité en soi. Au-delà de s’acheter une bonne conscience, c’est depuis 2012 une obligation légale pour les sociétés privées de plus de 500 personnes (article L 229-25 du code de l’environnement). Ce bilan reste valable 3 ans.

La Stratégie nationale Bas-Carbone a défini une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Effectuer un bilan carbone est le premier pas pour une entreprise. C’est l’occasion d’une prise de conscience collective, permet de mesurer son impact et de réduire significativement son empreinte carbone. Ce bilan devrait éclairer les prochaines actions durables de l’entreprise, dans le sens viable, équitable et vivable.

Il est définitivement établi que les activités humaines ont un impact sur le climat, notamment par l’émission massive de gaz à effet de serre, même si certaines idées préconçues ont la vie dure. L’image d’Épinal de planter des arbres pour compenser n’est malheureusement pas suffisante voire mensongère. Certaines sociétés de crédits carbone relèvent plus de la spéculation que d’une réelle mobilisation sur le sujet. Une étude récente du cabinet Trove Research rapporte que les promesses de reboisement des entreprises les plus pollueuses au monde à horizon 2050 nécessiteraient plus d’espaces disponibles que ce que la planète peut offrir.

C'est quoi un bilan carbone ? 

Un Bilan carbone ou plus exactement un BEGES (Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre) est selon l’ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) un outil de diagnostic qui permet de mesurer les émissions directes ou indirectes de gaz à effet de serre.

Cet outil n’est pas imposé, il est possible de créer sa propre calculette carbone ou de se référer à des entreprises reconnues pour le faire.

Et cela se complique car il y a plusieurs outils sur le marché, comprenez des méthodes pour réaliser ce diagnostic. Elles ne sont pas toutes reconnues d’un pays à l’autre. Pour n’en citer que quelques unes (du moins au plus complexe à réaliser) :

Ces méthodes nécessitent des formations et des benchmarks pour bien les appréhender.

Les méthodes GHG Protocol et le Bilan Carbone® incluent notamment l’analyse du cycle de vie (ACV) dans leur méthode. Cette évaluation donne l’ensemble des impacts environnementaux d’un produit ou d’un service, de sa fabrication (l’extraction des matières premières par exemple) jusqu’à sa fin de vie (recyclage, destruction) en incluant son transport, son usage, etc.

L’ACV permettra ainsi d’identifier les produits ou services à améliorer, à réduire ou tout simplement à bannir.

Une fois la méthode choisie et l’équipe mise en place, vient la définition du périmètre d’étude. La récolte des données nécessaires (sur une année fixe) n’est pas forcément aisée dans une entreprise. Peu de personnes ont du temps ou un accès exhaustif aux données nécessaires. Parfois, il n’y aura pas ou peu de mesures exploitables sur une année. Il faudra alors émettre un ratio théorique, avec un pourcentage d'erreurs acceptable (ce qu’on appellera des incertitudes).

Puis vient la conversion de ces mesures en quantité de carbone (pour les entreprises de services). La conversion en équivalent carbone peut se faire via un ratio monétaire (dépenses de matériels informatiques) ou via un ratio physique (kilométrage, kilowatts …). 

Sur un ratio physique, on prend en compte le poids carbone contenu dans le CO2 émis : 1Kg de CO2 contient 0,2727 Kg de carbone seul (suivant la base carbone Ademe). Des calculettes sont mises à disposition. Par exemple, un trajet de 5km en métro a pour équivalent 0,03 Kg CO2e, un petit scooter essence 0,8 Kg CO2e et une voiture classique 2,2 Kg CO2e.

L’approche monétaire estime pour des services et achats un facteur d’émission et le multiplie au prix de l’achat. Le facteur d'émission d’un vol en avion est 1.695 KgCO2e / €. Un vol Paris-Nice au prix de 100 euros aura une équivalence de 169 Kg CO2e. L’approche physique donne 158 Kg CO2e.

Certains outils du marché choisissent l’une ou l’autre voire les deux suivant le type de données, et l’on peut vite s’y perdre entre l’efficacité, la rapidité ou la vérité.

Il restera enfin le calcul de l’immatériel appelé également le scope 3 du bilan Carbone. Il est relatif à l’activité d’une société dans le tertiaire. Il est très complexe à mesurer. Il n’y a que très peu de littérature sur le sujet. Comment s’assurer de ne pas comptabiliser plusieurs fois une même source d’émission carbone ?

En quoi le bilan carbone peut-il être incomplet ?

Ce modèle vertueux de diagnostic est un travail assez long et complexe. Il est fait de mesures et de calculs et nécessite du temps et des personnes formées à la tâche. Ce bilan est en ce sens un investissement pour une entreprise.

La difficulté restera de comprendre son propre bilan. Des mesures seront calculées plusieurs fois (le patrimoine, les investissements ou même des mesures indirectes comme la livraison de matériel) et ne rendront pas aisées la lecture.

Les calculs ainsi que les incertitudes évoquées plus haut ne seront pas les mêmes d’une entreprise à une autre ou d’un pays à un autre.

Un bilan carbone peut s’avérer inefficace s’il n’y a aucune action derrière la publication du bilan, ni aucun suivi. Un bilan carbone s’accompagne généralement d’objectifs quantitatifs de décarbonation jusqu’au prochain bilan.

Les différentes méthodes ne proposent pas toutes un “accompagnement” dans l’élaboration ni le suivi de ces objectifs. Une fois encore il faudra se former pour mener à bien ces actions qui restent la finalité du bilan carbone, ou se faire accompagner par une entreprise spécialisée.

Cet engagement permet encore une fois de mesurer l’impact d’une entreprise sur l’environnement et d’en prendre conscience. 

Mais est-ce suffisant ? Est-ce que les résultats de ce bilan apporteront des nouveautés ? 

Les premières actions à mettre en place seront finalement sans surprises. Les pistes suivantes sont classées par ordre de grandeurs d’impacts carbone en France. Côté immobilier, Il faudra aménager les locaux de l’entreprise : rénovation, isolation, limitation des climatiseurs et des chauffages, voire même une réduction des m2 si cela est possible. 

Une des plus grandes sources d’émission pour les particuliers et entreprises du tertiaires restent les transports. Il faudra privilégier les mobilités avec l’empreinte carbone plus faible. De même, il conviendra de repenser la gestion de son parc informatique et d'optimiser l’approvisionnement et la durée de vie du matériel numérique. Sur l’ACV, l’extraction des métaux rares pour la construction, l'acheminement du matériel et son recyclage rend le matériel numérique très consommateur en énergie.  Enfin, même si cela peut paraître anecdotique, le cycle de vie du textile reste un élément très consommateur, donc il faudra réduire aussi les goodies de type t-shirts, vestes et tote bags …

Repensons le mot écologie

Le bilan carbone reste obligatoire pour certaines sociétés et nécessaire mais il est important de ne pas se limiter à la question des gaz à effets de serre et de voir la crise écologique dans son ensemble. Nous devons nous interroger sur la sixième extinction de masse. Il nous faut élargir le champ de nos préoccupations écologiques pour inclure des questions telles que la protection des océans qui absorbent 1/4 des émissions de CO2, qui contribuent à refroidir la température terrestre et qui permettent de faire vivre plus de trois milliards de personnes d’après l’ONU. Ces mêmes océans subissent aussi un réchauffement et deviennent plus acides. Aussi, d’après un rapport pour la conférence des Nations Unies de mars dernier, nous ferions face à un risque mondial de 40 % de déficit en eau douce d’ici à 2030.

Alors, que peut-on faire ?

C’est un problème à l’échelle de la planète mais j’aime penser que chaque geste compte. Il est important de démonter le green washing malheureusement trop présent. Il convient de se documenter et de partager ces informations.

Il faut petit à petit changer ses habitudes et prendre conscience de ce que l’on consomme, sa provenance, sa fabrication, le contenant qui le distribue (plastiques...), l’eau utilisée, …

Enfin, dans la mesure du possible, il serait sage d’arrêter la consommation Fast : fast food, fast fashion … dont on sait aujourd’hui que ce sont des pratiques particulièrement néfastes sociétalement et écologiquement.

La transition écologique ne peut pas être imposée de manière dogmatique ou par injection de culpabilité. Nous devons plutôt encourager le débat, tout en évitant les jugements de valeur. Nous devons également élargir le champ de nos préoccupations numériques responsables pour y inclure l’écologie et l’éthique.

Avoir une vision plus globale et transverse de la crise écologique implique une réflexion sur les aspects économiques et sociétaux, ainsi qu'une prise de conscience personnelle et collective de notre impact sur l'environnement. La transition écologique n’est pas une cause ou un slogan politique. Elle est individuelle, collective et citoyenne. Elle ne se fera pas sans décisions politiques fortes. Elle est primordiale pour préserver notre planète pour les générations futures …